L’injonction interlocutoire et provisoire en contexte de bail commercial

Dans quel contexte une personne aurait-elle intérêt à demander une injonction en matière de bail commercial et que devra-t-elle démontrer afin d’y avoir droit?

Une demande d’injonction peut être effectuée dans l’optique qu’une ordonnance de ne pas faire, de cesser de faire ou d’accomplir un acte, soit rendue, et ce avant le jugement sur la demande principale. Une telle ordonnance doit permettre de maintenir de statu quo existant entre les parties et ne peut forcer l’une d’elle à faire quelque chose qu’elle ne faisait pas déjà.

Une injonction interlocutoire peut être demandée soit, en cours d’instance, ou avant même le dépôt de la demande introductive d’instance.

Toutefois, en cas d’urgence, une injonction provisoire peut être demandée, avant même la signification au défendeur de la demande introductive d’instance, et celle-ci sera alors valable pour une durée maximale de 10 jours.

Ce critère d’urgence, exige de la part du demandeur, une certaine rapidité d’agir dans ses démarches.

Dans l’affaire Développement Olymbec Inc. c. Traffic Tech inc., 2017 QCCS 1667(CanLII), Traffic Tech a fait part, en mai 2016, à Développement Olymbec, de son intention de se prévaloir d’une clause de résiliation anticipée au contrat de bail, mais ce n’est qu’en avril 2017, que Développement Olymbec formule une demande d’injonction provisoire contre la société.

Ainsi la Cour Supérieure a rejeté la demande d’injonction provisoire en ces termes : «En l’espèce, Olymbec a tardé à agir et le défaut d’urgence est suffisant pour faire échec à la demande au stade provisoire.»

Trois autres critères doivent être évalués afin de rendre une ordonnance d’injonction provisoire et ce sont ces trois mêmes critères qui sont à l’étude lors d’une demande d’injonction interlocutoire.

  1. L’apparence de droit

Dans un premier temps, une apparence de droit doit être démontrée. Il ne s’agit pas ici de faire tout le procès, mais plutôt d’évaluer si la demande principale a une perspective raisonnable de succès.

Dans l’affaire Diamantaire Everest 1950 inc. c. Rolex Canada Limited, 2017 QCCS 1677 (CanLII), Diamantaire, un détaillant de bijoux, était en discussion avec Rolex afin d’obtenir le droit de vendre les montres dans son magasin. Voulant se conformer aux nombreuses conditions de Rolex, Diamantaire a entre autres loué un local afin d’y installé son magasin, construit selon les normes indiquées par Rolex.

Par contre, après étude du plan d’affaires et des finances de Diamantaire, Rolex refuse finalement de lui accorder les droits de vente. Diamantaire a alors demandé une injonction interlocutoire contre Rolex afin d’obtenir ces droits, en invoquant l’existence d’un contrat verbal entre eux. Malgré le fait que Diamantaire était au courant du formalisme de Rolex, en vertu duquel la société fait signer un contrat écrit à ses détaillants, l’ayant par ailleurs déjà signé dans le passé, la Cour a considéré que Diamantaire avait en l’espèce une apparence de droit, bien que faible.

  1. Le préjudice sérieux ou irréparable

Le demandeur doit également démontrer l’existence d’un préjudice sérieux ou irréparable, ou encore un état de fait ou de droit qui rendrait le jugement final inutile. Donc, si l’injonction n’est pas rendue, le demandeur subirait un préjudice tel, qu’un jugement lui accordant des dommages et intérêts ne pourrait le réparer.

Dans l’affaire 9190-9309 Québec Inc. c. Rossy, 2017 QCCS 1669 (CanLII), le locataire Rossy, s’apprêtait à fermer ses portes et le locateur 9190-9309 Québec Inc, a donc demandé une injonction interlocutoire afin de l’en empêcher. Le locateur a démontré que sans l’ordonnance d’injonction, il subirait un préjudice sérieux et irréparable dû au fait que Rossy occupait un espace important de son centre commercial, que cet espace serait difficile à louer dans un délai inférieur à une année et qu’un tel espace vide durant une aussi longue période serait mauvais pour son image.

  1. la balance des inconvénients

Finalement, la balance des inconvénients doit pencher en faveur du demandeur.

Dans l’affaire ci-haut mentionnée, la société Rossy a mis en preuve le fait qu’elle subirait des pertes si elle devait maintenir ses opérations, ce qui n’a pas été retenu par la Cour comme un argument suffisant pour mettre fin à un bail. De son côté, le locateur a démontré que si Rossy fermait ses portes et brisait les termes du bail, il subirait une diminution d’achalandage et donc une perte de revenus en raison de l’atteinte que cet évènement causerait à son image. Ces derniers inconvénients étant difficilement quantifiables et compensables, la balance des inconvénients a penché en faveur du demandeur et l’injonction a été prononcée.

La demande d’injonction, autant provisoire qu’interlocutoire, étant une mesure exceptionnelle, ces critères à évaluer quand à leur ordonnance sont interprétés avec rigueur.

En résumé, les critères que le demandeur d’une injonction interlocutoire doit démonter sont :

  • L’apparence de droit
  • L’existence d’un préjudice sérieux ou irréparable
  • La balance des inconvénients penchant en sa faveur

Le critère additionnel en cas de demande d’injonction provisoire :

  • L’urgence

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