Dans l’éventualité où une ordonnance concernant la garde d’un enfant est prononcée, qu’arrive-t-il lorsque le parent gardien souhaite par la suite déménager?
En vertu de la Loi sur le divorce, le premier jugement ayant été rendu concernant la garde peut être modifié lorsqu’un changement important de la situation de l’enfant survient. Ce principe est également appliqué dans les cas d’union de fait.
Un déménagement est considéré comme un changement important dans les cas où il aurait un impact significatif au niveau des besoins de l’enfant ou qu’il restreindrait nettement l’accès exercé par le parent non gardien, et qui était imprévisible lors du prononcé du premier jugement.
En effet, le déménagement ne peut être utilisé comme prétexte pour faire modifier le premier jugement ayant été rendu, lorsqu’il occasionne peu ou aucun changement pour la situation de l’enfant.
La Cour suprême a établit les facteurs à évaluer pour déterminer la garde lors d’un déménagement dans l’arrêt Gordon c. Goertz [1996] 2 RCS 27 1996 CanLII 191 (CSC) :
- l’entente de garde déjà conclue et la relation actuelle entre l’enfant et le parent gardien;
- l’entente déjà conclue sur le droit d’accès et la relation actuelle entre l’enfant et le parent qui exerce ce droit;
- l’avantage de maximiser les contacts entre l’enfant et les deux parents;
- l’opinion de l’enfant;
- la raison pour laquelle le parent gardien déménage, uniquement dans le cas exceptionnel où elle a un rapport avec la capacité du parent de pourvoir aux besoins de l’enfant;
- la perturbation que peut causer chez l’enfant l’éloignement de sa famille, des écoles et du milieu auxquels il s’est habitué.»
L’ensemble de ces facteurs permet d’étudier la question de la garde au regard d’un seul élément central, soit l’intérêt de l’enfant. Ainsi, il n’existe pas de présomption favorable envers le parent gardien et l’intérêt du parent en lien avec le déménagement n’entre pas en ligne de compte.
Généralement, maximiser le contact de l’enfant avec ses deux parents est considéré bénéfique, bien qu’il faille étudier chaque cas afin de s’assurer que ce soit dans le réel intérêt de l’enfant.
La diminution d’un contact bénéfique de l’enfant avec son parent non gardien n’est d’ailleurs pas, à lui seul, un élément déterminant pour interdire le déménagement, lorsque ce dernier permettrait de mieux répondre aux besoins de l’enfant.
De plus, la décision du parent gardien de résider et de travailler là où il le souhaite doit également être respectée, sauf dans le cas où cette décision repose sur un motif qui nuirait à sa capacité d’agir à titre de parent. En effet, les tribunaux ne peuvent interdire totalement à un parent de déménager, mais si la Cour lui octroie la garde des enfants en lui ordonnant de demeurer dans sa ville actuelle et qu’il désire tout de même quitter, la garde des enfants ira au parent qui était jusqu’alors non gardien.
Lorsqu’un déménagement est prévu de bonne foi et que le parent gardien communique avec l’autre parent afin de favoriser son accès à l’enfant, le déménagement sera généralement autorisé et les droits d’accès modifiés en conséquence. Par exemple, les périodes lors desquelles le parent non gardien aura accès à l’enfant seront moins fréquentes, mais d’une plus longue durée.
Dans l’affaire Droit de la famille — 091332, 2009 QCCA 1068 (CanLII), le déménagement de la mère en France, accompagnée de ses enfants, a été autorisé, considérant que celle-ci avait bien préparé son départ, qu’elle allait rejoindre sa famille et que les enfants y avaient déjà séjourné à quelques reprises. D’un autre côté, le père n’exerçait pas son droit d’accès de manière significative et présentait des troubles d’impulsivité qui engendraient des lacunes au niveau de ses méthodes d’éducation.
Dans certains cas, le déménagement ne sera toutefois pas autorisé avec les enfants, tels qu’énumérés dans l’affaire Droit de la famille — 091332, 2009 QCCA 1068 (CanLII), si:
- le projet est conçu à la hâte sans considération de l’intérêt de l’enfant;
- il a comme unique but d’éloigner des parents querelleurs;
- la preuve démontre un rattachement particulier des enfants à leur milieu d’origine et l’absence de lien plus étroit avec l’un ou l’autre des parents;
- les enfants, présentant un degré de maturité suffisante, s’opposent au déménagement et l’autre parent est apte à assumer leur garde;
À titre d’exemple, dans l’affaire Droit de la famille — 171196, 2017 QCCA 859 (CanLII), la mère, qui avait la garde de l’enfant en France, souhaite déménager au Chili, alors que le père, qui réside en Finlande, exerçait ses droits d’accès en France. Bien que la mère ait la garde de l’enfant, la Cour a décidé d’octroyer la garde au père, en Finlande, puisque son plan était beaucoup mieux élaboré et adapté aux besoins de l’enfant, que le plan de départ de la mère. De plus, le père a manifesté sa disponibilité pour amener l’enfant en France, auprès des ses grands-parents maternel, afin de favoriser le droit d’accès de la mère et minimiser les déplacements de l’enfant.
Ainsi, veiller à l’intérêt de l’enfant est l’objectif principal et le seul critère de la Cour lors de la prise de décision concernant une demande de modification de garde pour cause de déménagement.
Sirois & Boisvert avocats
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