Une demande de déchéance de l’autorité parentale permet de retirer les droits d’un parent envers son enfant.
L’article 606 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.) codifie ce type de demande :
«La déchéance de l’autorité parentale peut être prononcée par le tribunal, à la demande de tout intéressé, à l’égard des père et mère, de l’un d’eux ou du tiers à qui elle aurait été attribuée, si des motifs graves et l’intérêt de l’enfant justifient une telle mesure.»
Ainsi, toute personne ayant un intérêt justifié à l’égard de la situation de l’enfant peut effectuer une demande de déchéance de l’autorité parentale.
Cette demande constitue une mesure grave et radicale, ainsi les tribunaux en font une évaluation rigoureuse en deux étapes, fondée sur les critères suivants:
- La présence d’un motif grave;
- L’évaluation de l’intérêt de l’enfant;
Motif grave
Dans l’affaire P. (A.) c. S. (A.), 1994 CanLII 3769 (QC CS), une énumération des motifs graves retenus par les tribunaux est effectuée, soit:
« […] les comportements qui attentent à la protection, la sécurité et l’attention auxquelles un enfant a droit (art. 32 C.C.Q.): violence, immoralité, inconduite notoire ou encore les manquements aux devoirs parentaux de garde, de surveillance, d’éducation, d’entretien et d’alimentation (art. 599 C.C.Q.) qui, en pratique, signifient généralement son abandon.»
En effet, l’abandon constitue le motif le plus souvent invoqué par la partie demandant la déchéance de l’autorité parentale. Toutefois, pour que l’abandon constitue un motif grave, il doit rencontrer trois critères. L’abandon doit donc être :
- Volontaire;
- Sans équivoque;
- Prolongé sur une période suffisamment longue;
Par exemple, dans l’affaire P. (F.) c. B. (G.), 1997 CanLII 8900 (QC CS), l’abandon par le père, a été jugé grave, considérant qu’il durait pratiquement depuis la naissance de l’enfant, que le père manifestait un désintérêt envers celui-ci, qui était de surcroit méprisant puisqu’il l’avait totalement ignoré lors d’une rencontre.
Intérêt de l’enfant
La demande de déchéance de l’autorité parentale doit être effectuée dans le réel intérêt de l’enfant.
Toujours dans l’affaire P. (F.) c. B. (G.), ladite demande a été considérée dans l’intérêt de l’enfant, suivant le témoignage de la mère, expliquant que la déchéance permettrait de clarifier la situation face à l’enfant, qui ne se ferait plus d’attentes illusoires envers son père.
D’un autre côté, dans l’affaire, Droit de la famille — 171870, 2017 QCCS 3608 (CanLII), bien que le critère du motif grave soit rencontré, puisque l’enfant avait été abandonné par son père, la demande de déchéance n’a pas été accordée.
En effet, la demande dans ce cas, avait pour objectif de permettre l’adoption de l’enfant par son beau-père. Toutefois, ce motif n’avait pas été allégué dans la demande, et la Cour s’est donc questionnée sur le caractère intentionnel de cette omission, dans une optique d’éviter que le père se présente lors de l’audition pour contester la demande d’adoption.
Par conséquent, afin d’assurer la protection des intérêts de l’enfant, les tribunaux ont rejeté la demande, en proposant à la mère d’en émettre une nouvelle, plus étayée quand à l’adoption et l’intérêt de l’enfant.
Lors de l’évaluation de ces deux critères, l’un des cas souvent cité par les tribunaux pour accorder la déchéance de l’autorité parentale, est celui de L. (G.) c. G. (L.) B.E. 2007, BE-474 (C.S.), où:
« […] une requête en déchéance de l’autorité parentale a été accueillie vu l’abandon volontaire, l’absence de contact pendant au moins cinq (5) ans et le désintéressement manifeste du père pour son enfant.»
Conséquences de la déchéance de l’autorité parentale
Lorsque cette demande est accordée, elle s’étend à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement, à moins que le tribunal n’en décide autrement (art. 608 C.c.Q.).
Lorsque l’un des parents se voit déchu de l’autorité parentale, celle-ci revient alors entièrement à l’autre parent, sauf si le tribunal désigne une autre personne en charge de cette autorité, ou nomme un tuteur à l’enfant, dans les cas où cet autre parent ne serait pas en mesure d’exercer lui-même l’autorité parentale (art.600 et 607 C.c.Q.).
En vertu de l’article 65 C.c.Q., une demande de changement de nom de famille de l’enfant peut également être jointe à cette demande, lorsque l’enfant porte le nom du parent ayant été déchu de l’autorité parentale.
Suite à l’octroi d’une demande de déchéance de l’autorité parentale, le parent déchu perd donc ses droits envers l’enfant. Ce parent peut toutefois tenter de les récupérer, lorsque des circonstances nouvelles se présentent, en déposant une demande de restitution au tribunal (art.610 C.c.Q.). Par contre, dans l’éventualité où l’enfant aurait été adopté suite à la demande en déchéance, le parent adoptif détiendra l’autorité parentale et celle-ci ne pourra donc pas être récupérée par le parent en ayant été déchu.
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