Dernière mise à jour : 1 septembre 2025
Recours de type Mareva : un outil exceptionnel pour geler les avoirs
En bref
En litige civil et commercial, le risque de voir un défendeur organiser son insolvabilité ou transférer ses biens à l’étranger est bien réel. Le recours de type Mareva vise à préserver l’efficacité d’un éventuel jugement en empêchant temporairement la disposition des actifs. Cette mesure, née en common law et désormais intégrée dans la pratique québécoise, demeure toutefois exceptionnelle et strictement encadrée.
Origine et fondements
L’expression « Mareva » provient de l’arrêt Mareva Compania Naviera SA v. International Bulkcarriers SA (R.-U., 1975), qui a reconnu l’injonction de gel d’avoirs pour empêcher un défendeur de se soustraire à l’exécution d’un jugement. Au Canada, la Cour suprême a confirmé la nature exceptionnelle de ce remède et la nécessité d’un usage mesuré. En droit québécois, l’injonction s’articule avec les mesures de sauvegarde et les pouvoirs inhérents de la Cour dans une logique de préservation du statu quo.
Définition et portée
Une ordonnance Mareva est une injonction interlocutoire interdisant au défendeur de vendre, hypothéquer, transférer ou autrement disposer de ses biens (comptes bancaires, titres, immeubles, actifs numériques, etc.). Elle ne crée pas de sûreté ni de priorité ; elle empêche la dissipation le temps que le tribunal tranche le fond.
Conditions d’obtention (tests usuels)
- Apparence de droit sérieuse : allégations crédibles et preuve sommaire soutenant la réclamation.
- Risque réel de dissipation : transferts rapides, actifs offshore, antécédents de fraude, insolvabilité organisée, etc.
- Urgence et absence d’alternative efficace : les mécanismes ordinaires (p. ex. saisie avant jugement) ne suffisent pas dans les circonstances.
- Équilibre des inconvénients : le préjudice au demandeur en l’absence d’ordonnance excède celui imposé au défendeur par le gel temporaire.
Procédure et bonnes pratiques
La demande se présente généralement par requête en injonction provisoire ou interlocutoire, parfois ex parte lorsque l’effet de surprise est essentiel. Le demandeur doit faire une divulgation franche et complète des faits ; la moindre réticence peut mener à la révocation de l’ordonnance. Le tribunal peut exiger une caution pour couvrir d’éventuels dommages si l’ordonnance s’avère injustifiée.
- Rédaction précise : décrire clairement la conduite interdite, les biens visés, la durée et les exceptions (paiements ordinaires, dépenses essentielles).
- Portée territoriale : joindre les institutions financières et parties concernées pour faciliter l’exécution ; considérer les enjeux de reconnaissance hors Québec.
- Suivi : prévoir un retour rapide devant le juge pour réexamen contradictoire et ajustements (p. ex. plafonds de dépenses).
Comparaisons utiles
- Saisie avant jugement : mécanisme codifié qui requiert en principe une créance certaine, liquide et exigible ; le Mareva, plus flexible, cible la disposition d’actifs et convient à des dossiers complexes.
- Injonction « classique » : vise une conduite ; le Mareva vise la préservation patrimoniale.
- Séquestre : administration par un tiers ; le Mareva laisse les biens en place, mais en interdit la disposition.
Situations typiques d’utilisation
- Fraudes financières et détournements (incluant actifs numériques/crypto) : éviter l’évaporation des fonds.
- Conflits entre actionnaires / partenaires : transferts précipités d’actifs, vidage de comptes, cessions d’actions.
- Litiges fiscaux et commerciaux complexes : préserver l’assiette d’exécution d’un jugement à venir.
- Successions et patrimoine familial : empêcher la liquidation d’actifs au détriment des ayants droit.
Limites et risques
- Remède d’exception : octroi rare et uniquement en présence d’une preuve convaincante.
- Caractère temporaire : ne préjuge pas du fond et n’accorde aucune priorité au créancier.
- Proportionnalité : l’ordonnance ne doit pas paralyser indûment l’entreprise ou la vie personnelle du défendeur ; prévoir des exceptions pour les dépenses normales.
- Exécution internationale : dépend des juridictions étrangères et de leur coopération.
Conseils pratiques pour les justiciables
- Agir rapidement : documenter les mouvements suspects d’actifs (relevés bancaires, registres de titres, chaînes de blocs, etc.).
- Structurer la preuve : alléger le fardeau par des affidavits précis, pièces tracées, chronologies.
- Rédiger sobrement : viser la préservation des biens, pas leur contrôle ; limiter la durée et délimiter les biens.
- Prévoir la suite : plan d’audition rapide et coordination avec d’autres recours (saisie, ordonnances Norwich/Anton Piller au besoin).
FAQ
Le Mareva bloque-t-il tous les paiements ?
Non. Les ordonnances bien rédigées autorisent habituellement les dépenses raisonnables (ex. salaires, loyers) sous certaines limites, pour éviter une paralysie excessive.
Peut-on obtenir l’ordonnance sans aviser l’autre partie ?
Oui, dans des cas urgents et justifiés (ex parte), mais le demandeur assume une obligation de divulgation exemplaire et un réexamen rapide est prévu.
Et si des biens se trouvent à l’étranger ?
L’ordonnance peut viser des biens hors Québec, mais sa mise en œuvre dépend des règles et de la collaboration des juridictions concernées.
Contactez Me Louis Sirois (consultation Zoom 60 min à tarif fixe). Tél. : 514-312-2402.