La mise en demeure au Québec : rôle, fonctionnement et importance stratégique
La mise en demeure est une étape essentielle dans tout litige au Québec. Ce guide explique ce qu’est une mise en demeure, ses objectifs, sa forme, ses effets juridiques, et les erreurs à éviter. Une ressource incontournable pour toute personne envisageant de faire valoir ses droits civils.
La mise en demeure est l’une des pierres angulaires du processus judiciaire en droit civil québécois. Bien qu’il ne s’agisse pas en soi d’une procédure judiciaire, elle constitue souvent une étape préalable indispensable pour faire valoir ses droits et favoriser un règlement hors cour. Que vous soyez un particulier, un entrepreneur ou un avocat représentant un client, comprendre le rôle de la mise en demeure est essentiel.
1. Qu’est-ce qu’une mise en demeure ?
La mise en demeure est une lettre formelle par laquelle une personne (le créancier) exige d’une autre (le débiteur) qu’elle respecte ses obligations dans un délai déterminé, à défaut de quoi des recours juridiques seront intentés.
Elle vise essentiellement deux objectifs :
- Mettre officiellement le débiteur en défaut.
- Donner une dernière chance d’éviter les procédures judiciaires.
En vertu de l’article 1594 du Code civil du Québec, lorsqu’une personne n’exécute pas son obligation, elle peut être mise en demeure d’agir. Cette mise en demeure peut être faite par écrit, par huissier, ou même verbalement dans certains cas, bien qu’un écrit soit toujours préférable.
2. La forme d’une mise en demeure
Il n’existe pas de formulaire obligatoire, mais certaines informations doivent impérativement y figurer :
- Les coordonnées complètes des parties.
- Une description précise de l’obligation non respectée.
- La demande adressée (ex. : paiement d’un montant, livraison d’un bien, cessation d’un comportement).
- Un délai raisonnable pour se conformer (souvent 10 jours).
- L’intention d’intenter un recours en justice si la situation n’est pas corrigée.
Elle est généralement transmise par courrier recommandé, ou par huissier, afin de prouver la date de réception.
3. Pourquoi envoyer une mise en demeure ?
a) Elle constitue une preuve du sérieux de la démarche
Elle démontre que le créancier a tenté de résoudre le litige à l’amiable avant d’enclencher les procédures judiciaires, ce que les tribunaux apprécient.
b) Elle fixe le point de départ des intérêts et des dommages
En vertu de l’article 1617 C.c.Q., c’est à partir de la mise en demeure que des intérêts peuvent être réclamés. Elle marque aussi le début du calcul de certains délais de prescription et des dommages-intérêts.
c) Elle permet de négocier ou de régler le litige sans procès
Un grand nombre de différends se règlent après l’envoi d’une mise en demeure, évitant ainsi les coûts et délais associés aux tribunaux.
4. La mise en demeure est-elle toujours obligatoire ?
Non. Il existe des situations où la mise en demeure est présumée inutile ou même implicite :
- En cas d’urgence (ex. : demander une injonction immédiate).
- Lorsque l’obligation est devenue impossible à exécuter.
- Si le débiteur a clairement refusé d’exécuter son obligation.
Dans la majorité des cas, son absence peut désavantager une partie au procès, notamment si elle n’a pas laissé une chance raisonnable à l’autre de corriger la situation.
5. Effets juridiques d’une mise en demeure
Une mise en demeure, même bien rédigée, n’oblige pas le destinataire à s’exécuter. Elle n’est pas un jugement. Toutefois, ses effets sont importants :
- Elle interrompt certains délais de prescription (selon la jurisprudence).
- Elle constitue un élément de preuve utile au tribunal.
- Elle peut influencer les frais de justice, notamment en démontrant la mauvaise foi ou l’inertie de l’autre partie.
6. Que faire après l’envoi d’une mise en demeure ?
Si la mise en demeure reste sans effet, plusieurs options s’offrent au créancier :
- Entamer une procédure judiciaire devant la Cour des petites créances (si le montant réclamé est de 15 000 $ ou moins).
- Déposer une demande introductive d’instance à la Cour du Québec ou à la Cour supérieure selon le montant ou la nature du litige.
- Recourir à la médiation ou à l’arbitrage.
Dans tous les cas, la mise en demeure devient une pièce centrale du dossier.
7. Erreurs fréquentes à éviter
- Utiliser un ton menaçant : Une mise en demeure doit rester polie, même ferme.
- Rédiger une lettre vague : L’obligation non respectée doit être claire et documentée.
- Fixer un délai trop court : Un délai de moins de 5 jours peut être jugé déraisonnable, sauf urgence.
- Oublier d’en conserver une copie et une preuve de réception : Ces éléments seront essentiels si le litige se rend devant le tribunal.
8. Faut-il toujours un avocat ?
Il est tout à fait possible pour un citoyen ou une entreprise d’envoyer une mise en demeure par eux-mêmes. Cependant, faire appel à un avocat peut s’avérer judicieux :
- Pour assurer une rédaction claire et juridiquement solide.
- Pour éviter les erreurs de procédure ou de formulation.
- Pour ajouter du poids à la démarche, notamment lorsqu’une entête d’avocat est utilisée.
Conclusion
La mise en demeure est un outil puissant en droit québécois. Elle est bien plus qu’un simple avertissement : elle prépare le terrain pour un recours éventuel et peut suffire à convaincre la partie adverse de s’exécuter. Rédigée avec soin et envoyée stratégiquement, elle permet de préserver les droits du créancier, tout en laissant une ouverture au règlement à l’amiable.
Que vous soyez aux prises avec un locataire défaillant, un entrepreneur négligent ou un partenaire contractuel fautif, la mise en demeure est un passage presque obligé avant toute poursuite. En cas de doute, n’hésitez pas à consulter un avocat qui pourra adapter la lettre à votre situation spécifique.